Les secrets de Glencore mis en lumière par les Paradise Papers

Les données d’Appleby révélées hier par l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) mettent en évidence le profil de risque élevé du secteur suisse des matières premières. Optimisation fiscale agressive au détriment de pays pauvres, soupçons de corruption, conflits d’intérêts : les graves allégations à l’encontre de Glencore illustrent une fois de plus la responsabilité de la Suisse dans la malédiction des ressources et l’inacceptable passivité des autorités fédérales.

Vaisseau amiral du secteur helvétique des matières premières, Glencore est l’une des principales sociétés ayant eu recours aux services du cabinet d’avocats international Appleby, auprès de qui elle était connue pour ses demandes à la limite de la légalité. Le géant zougois a monté 107 sociétés offshore et son nom apparaît plus de 34'000 fois dans les données traitées par l’ICIJ. Les Paradise Papers montrent notamment comment Glencore a échafaudé des stratégies lui permettant de réduire sa facture fiscale en Australie et au Burkina Faso.

Surtout, ces nouvelles données racontent la façon dont Glencore a fait main basse sur des licences pour extraire du cuivre et du cobalt à des conditions très profitables en République démocratique du Congo (RDC), un des pays les plus pauvres du monde. Pour y parvenir, la société n’a pas hésité à recourir aux services de Dan Gertler, un homme d’affaires à la réputation sulfureuse et dont les pratiques corruptives dans l’octroi de concessions minières en RDC ont été documentées par la justice américaine. Glencore a toujours affirmé avoir effectué des tests de conformité approfondis avant de s’allier à Gertler. Pourtant, sa réputation problématique était déjà notoire en 2007, lorsque la société zougoise a entamé son partenariat avec l’homme d’affaires. Son rôle dans l’attribution de licences minières et sa proximité avec le président Kabila – auquel il avait livré des armes en 2001 en échange du monopole sur la vente des diamants de la RDC – avaient été épinglés par l’ONU, la Banque mondiale et le parlement congolais. Les structures offshore dévoilées par les Paradise Papers ont permis à Glencore d’accorder des prêts à Gertler, au moment où celui-ci effectuait les paiements douteux au président Joseph Kabila et au numéro 2 du régime, Augustin Katumba Mwanke, dans le viseur de la justice américaine. Fait révélateur : pour chaque tonne de cuivre présente dans la mine, le géant zougois a payé à l’Etat quatre fois moins que les autres groupes, une perte substantielle pour la population congolaise.

Les autorités helvétiques ont de longue date été rendues attentives aux affaires troubles entre Glencore et Gertler, pointées du doigt dès 2012 par l’ONG britannique Global Witness. Alors interpellé, le Conseil fédéral rappelait qu’il attendait de telles sociétés qu’elles se conforment à « des exigences particulièrement strictes en matière de diligence raisonnable ». Il ajoutait que « le risque potentiel pour la réputation de la Suisse dépend également dans une large mesure des efforts de notre pays pour lutter contre ce genre de délits. » Jusqu’ici, les autorités suisses n’ont jamais enquêté sur ces affaires. Pire, le Conseil fédéral continue à accorder sa confiance à de telles entreprises, espérant d’elles un comportement « intègre et responsable ». D’après la télévision suisse-alémanique, au moins trois sociétés de négoce domiciliées en Suisse figurent parmi les multinationales dont les vilains secrets seront dévoilés ces prochains jours. Combien de scandales faudra-t-il encore avant que les autorités suisses se décident enfin à agir ?


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