Corruption La Suisse ne doit pas profiter de la corruption à l’étranger !

Des entreprises helvétiques, comme Glencore ou Trafigura, sont régulièrement condamnées en Suisse pour des faits de corruption d’agents publics étrangers. Ces dernières années, elles ont dû verser, au total, plus de 900 millions de francs à titre de compensation des gains illicites réalisés grâce à de telles pratiques. Mais cet argent finit dans les caisses de la Confédération. Cette injustice doit cesser !

Avec sa pétition, Public Eye demande que les profits issus de la corruption soient restitués aux populations lésées.

Imaginons que Martin vole le vélo de Martine, le revende au noir et réalise ainsi un profit illicite. Si Martin se fait pincer, il écopera non seulement d’une amende, mais devra aussi restituer la somme tirée de la vente. Cet argent reviendra à la personne lésée, Martine, qui pourra alors s’acheter un nouveau vélo.

C’est pareil pour les entreprises qui engrangent des profits de manière illicite. Elles doivent non seulement payer une amende, mais aussi restituer les gains obtenus en violant la loi. Si ces fonds ne peuvent être retrouvés, elles sont tenues de verser une « créance compensatrice » d’un montant équivalent. 

Le principe juridique et éthique est simple : le crime ne doit pas payer ! 

On ne parle pas de cas isolés. Depuis 2003, au moins 15 entreprises suisses ont été condamnées en lien avec des faits de corruption à l’étranger. Les tribunaux leur ont imposé non seulement des amendes, mais aussi des créances compensatrices totalisant plus de 900 millions de francs ! 

Mais où est passé tout cet argent ? Contrairement à l’exemple du vélo, où Martine récupère le gain confisqué, les victimes de ces délits sont, elles, totalement spoliées. Pas un centime n’a été rendu aux populations lésées – généralement à faibles revenus – dans les pays où la corruption a eu lieu. Ces profits illicites ont été versés en Suisse, dans les caisses de la Confédération. 

Secteur des matières premières : 5 exemples scandaleux 

Les fonctionnaires étrangers corrompus tirent des avantages en échange de « faveurs » accordées dans le cadre de leurs fonctions, souvent au détriment de la population de l’État qu’ils représentent. Les contrats obtenus par le versement de pots-de-vin servent avant tout à maximiser les profits des entreprises impliquées. De telles pratiques privent ainsi les caisses publiques de revenus essentiels, qui pourraient être investis pour la population, notamment dans la santé ou l’éducation. La corruption est très répandue dans le secteur des matières premières, où les sociétés suisses jouent un rôle de premier plan. Voici cinq cas emblématiques :

Quand une loi freine la justice

Aujourd'hui, la restitution des créances compensatrices à l’État lésé n'est autorisée par la loi que si ce dernier a coopéré dans le cadre de la procédure pénale helvétique. Or, la Suisse impose à cet égard des exigences élevées que les pays du Sud – dont les institutions sont souvent fragiles et les moyens limités – ne peuvent généralement pas satisfaire. 

Résultat : la législation actuelle empêche la restitution des profits illicites.

Par ailleurs, le fait que ces affaires de corruption impliquent des représentant·e·s ou des fonctionnaires de l’État concerné est un frein considérable à la coopération de ce dernier dans le cadre d’une procédure pénale. 

 En résumé : le droit suisse et la manière dont il est appliqué empêchent toute réparation financière du préjudice subi par les populations lésées. 

Ce qui doit changer – et comment 

Deux mesures politiques pourraient résoudre ce problème : 

  1. Un changement de pratique :  la restitution des créances compensatrices ne doit pas être bloquée par des exigences excessives. La Suisse doit adapter sa pratique actuelle dans les affaires de corruption transnationale. Les exigences élevées en matière de participation à la procédure, que de nombreux pays à plus faibles revenus ne peuvent remplir, doivent être assouplies.
     

  2. Une modification de la loi : le Conseil fédéral doit pouvoir décider de manière autonome. Si l’État concerné ne participe pas à la procédure pénale en Suisse, le Conseil fédéral doit pouvoir décider de la restitution des créances compensatrices. Il doit rendre cet argent sur la base de certains critères, par exemple en faveur de projets de développement ou d’un fonds indépendant au bénéfice de la population lésée. Pour cela, une modification de la loi fédérale sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées (LVPC) est nécessaire. 

L’Office fédéral de la justice lui-même affirme que les valeurs patrimoniales provenant de la corruption de fonctionnaires étrangers doivent être intégralement restituées à l'État lésé. Les autorités compétentes n'ont donc plus qu'à mettre cette déclaration en pratique

Une modification de la loi n’entraînerait aucune charge supplémentaire. Elle donnerait toutefois au Conseil fédéral la compétence de décider si, et à quelles conditions, les fonds peuvent être rendus à la population lésée lorsque l’État concerné n’a pas participé à la procédure. 

Point important : la Suisse dispose déjà d’une certaine expérience en matière de restitution des avoirs illicites de dirigeants corrompus déposés sur des comptes bancaires helvétiques. Elle connait les mécanismes permettant de réaffecter efficacement ces fonds à des projets de développement qui bénéficieront aux populations concernées. 

Cette solution n’engendrerait donc pas de coûts supplémentaires pour les entreprises ni de bureaucratie excessive. Il suffit d’un peu de volonté politique.  

Pourquoi une pétition ? 

Ces dernières années, plusieurs interventions parlementaires ont déjà été déposées pour demander une restitution équitable des fonds issus de la corruption. Mais le Conseil fédéral et le Parlement ont rejeté ces propositions, pourtant simples, cohérentes et indispensables d’un point de vue moral.

Pour que les choses changent enfin, nous devons donc mobiliser l’opinion publique.

Les profits illicites issus de la corruption n’ont rien à faire en Suisse ! Ils doivent retourner dans le pays où le dommage a été causé et bénéficié aux populations lésées.

Vous pouvez contribuer à ce changement. 

Signez notre pétition ! 

Comment l'argent peut-il bénéficier à la population lésée?

  • Les profits illicites reversés par les entreprises condamnées (les «créances compensatrices ») doivent, dans la mesure du possible, profiter directement aux personnes lésées par la corruption. Ils doivent servir à réparer les dommages causés, à lutter contre la corruption ou à financer des projets de développement.

  • Cela nécessite un dialogue entre la Suisse et l'État concerné. Les intérêts de la population lésée doivent être au centre des préoccupations.

  • Si l'on craint que les fonds retombent dans des circuits corruptifs, les modalités doivent être fixées dans le cadre d’un accord de restitution conditionnelle. Celui-ci peut prévoir qu’une fondation indépendante ou une organisation internationale contrôle l’utilisation des fonds.

  • La Suisse a déjà de l'expérience dans ce domaine: ces dernières années, elle a conclu et mis en œuvre, avec de nombreux pays, de tels accords pour les fonds de dirigeants corrompus déposés sur des comptes bancaires helvétiques (« avoirs des potentats »). La Suisse pourrait procéder de la même manière pour restituer les profits illicites issus de la corruption transnationale. 

*Jugement de première instance

Contribuez à rendre la Suisse un peu plus juste. Pour que la corruption ne paie pas !