Des contrôles insuffisants

© Mark Henley/Panos
Avec son industrie pharmaceutique florissante, la Suisse porte une responsabilité particulière dans le respect des normes éthiques pour les essais cliniques menés dans des pays tiers. Pourtant, nos travaux montrent que l’examen éthique fait par l’agence du médicament Swissmedic est largement insuffisant. Quant à la législation helvétique, elle comporte d’importantes lacunes, tant au niveau de la transparence que du contrôle des essais cliniques réalisés à l’étranger.

En 2013, Public Eye avait déjà mis en lumière l’insuffisance des contrôles réalisés par Swissmedic dans le cadre de sa campagne « Berseticum Forte ». Public Eye a également souhaité mettre ces manquements en évidence par le biais d’une conférence internationale organisée conjointement avec l’ONG Health Action International en septembre 2016 à Genève, en présence d’expert·e·s de renommée internationale. Public Eye a également suivi de près les débats au parlement suisse sur la question, notamment via une prise de position en rapport avec l’interpellation « Pour la commercialisation en Suisse de médicaments testés de manière irréprochable » déposée au Conseil national par Marina Carobbio en 2013, puis une autre prise de position soumise dans le cadre de la consultation sur la révision des ordonnances de la nouvelle Loi sur les produits thérapeutiques en 2017.

Swissmedic, une agence trop passive

Swissmedic – the Swiss Institute for Therapeutic Products – does not fulfil adequately the double requirement of verifying that the drug has been tested irreproachably in both scientific and ethical conditions. While efforts at an international level have enabled rigorous regulation of the manner in which data is gathered and recorded, nothing similar exists to guarantee the respect of ethical standards. Where tests are performed in a context of lax regulations, the institute cannot be satisfied with issuing a judgment based on the conclusions of local ethical bodies or – as it says itself – on statements by those promoting the drug. Evidently, the pharmaceutical companies themselves have no interest in investigating possible gaps in ethical regulations that arise during their clinical trials.

The lack of transparency surrounding the approval of drugs does not allow checks by third parties. On the basis of information published by Swissmedic, it is not even possible to determine which trials form the basis of an authorisation decision. In this respect, Switzerland is lagging behind the European Union, as the European Medicines Agency (EMA) already envisaged in 2014 the publication of the entire set of reports of clinical trials used for approval, and lists the main trials having presided over the certification decision.

Une nouvelle loi avec d'importantes lacunes

En 2014, la Suisse s'est dotée d’une nouvelle loi relative à la recherche sur l’être humain (LRH). Ce texte est venu compléter la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) datant de 2001, actuellement en cours de révision. La LPTh continue de réglementer les procédures d’autorisation de mise sur le marché ainsi que l’autorisation formelle des essais cliniques, alors que la LRH détaille les principes éthiques liés aux projets de recherche, leur supervision, les questions de transparence ainsi que la coordination entre les différentes instances.

© Mark Henley/Panos

Une LPTh révisée

Une nouvelle LPTh a été adoptée par le Parlement en 2017. Elle entrera en vigueur une fois que les ordonnances concernées auront été adaptées – à priori en 2019.

La nouvelle LPTh prévoit deux nouveaux articles concernant la publication des résultats d’essais cliniques (Art 67b) ainsi qu’une nouvelle base légale permettant à Swissmedic d’effectuer des inspections à l’étranger (Art 64a). Public Eye a été consultée lors de la révision des ordonnances (voir notre prise de position).

Dans le cadre de la révision de l’ordonnance sur les exigences relatives aux médicaments (OEMéd), Swissmedic prévoit de demander aux sociétés pharmaceutiques une justification supplémentaire (auto-déclaration) du respect des règles reconnues de bonnes pratiques cliniques. Toutefois, aucune sanction n’est prévue si la déclaration s’avérait incorrecte par la suite (au contraire d’une pratique similaire prévalant dans l’UE).

La campagne de Public Eye ainsi que le dialogue qui s’est ensuivi avec les autorités suisses ont sans nul doute contribué à ces développements législatifs concernant les essais cliniques. Il reste toutefois encore beaucoup à faire pour arriver ne serait-ce qu’au niveau de l’UE en matière de transparence et de contrôle éthique – voire le dépasser. La législation suisse n’en est qu’à ses balbutiements.

Si les standards de protection des participants sont renforcés grâce à la LRH, ces dispositions ne concernent que les recherches menées en Suisse. La LRH a permis la mise en place d’un registre public (www.kofam.ch), mais celui-ci ne concerne que les essais cliniques menés en Suisse et ne contient que des informations minimales. Les tests délocalisés n’y figurent pas. Avec cette nouvelle loi, la Suisse a clairement manqué le coche de la mondialisation des essais cliniques.