Le droit des brevets

© Mark Henley/Panos
La Suisse et d’autres pays industrialisés hébergeant de grandes firmes pharmaceutiques ont fait pression pour renforcer la protection de la propriété intellectuelle sur les médicaments au niveau international. Depuis 1995, l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisationn mondiale du commerce oblige tous les États à accorder des brevets sur les médicaments pour une durée de vingt ans, tout en prévoyant des flexibilités pour garantir un accès aux médicaments abordables.

Les brevets sont des exceptions à l’économie de libre marché car l’inventeur bénéficie d’un monopole lui permettant de fixer les prix les plus élevés possibles pour ses produits (pouvoir de fixation des prix), en échange de la divulgation de son invention, idéalement au bénéfice de la société. Le pouvoir conféré par un brevet est considérable, ce qui peut conduire à des abus, à des prix prohibitifs ou encore à des entraves au progrès.

Qu’est-ce qu’un brevet?

Le brevet est un droit exclusif accordé sur une invention qui confère à son titulaire le droit d’interdire à des tiers de l’utiliser à titre professionnel. L'utilisation comprend notamment la fabrication, l'entreposage, l'offre et la mise en circulation ainsi que l'importation, l'exportation, le transit et la possession à ces fins pour une période de temps limitée, généralement fixée à vingt ans.

Pour qu’un brevet soit délivré, l’invention doit:

  1. présenter un élément de nouveauté par rapport à l’ensemble des connaissances existantes.
  2. impliquer une «activité inventive», ou être «non évidente» pour une personne du métier.
  3. être susceptible d’application industrielle.

À l’expiration du brevet, la protection prend fin et l’invention tombe dans le domaine public, c’est à dire qu’elle peut être librement exploitée par des tiers sans porter atteinte au brevet.

L’accord ADPIC consacre un modèle basé sur les brevets…

Pour comprendre le débat actuel en matière de recherche et d'accès aux médicaments, il faut remonter à l'entrée en vigueur, en 1995, de l'Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC ou TRIPS en anglais). Ce traité international oblige les Etats membres de l'OMC (164 en 2017) à accorder des brevets sur les nouveaux médicaments – ce que de nombreux pays, comme l'Inde ou le Brésil, ne faisaient pas auparavant. Cet accord représentait donc une victoire importante pour les géants de l'industrie pharmaceutique, leur permettant de vendre leurs nouveaux médicaments brevetés au prix fort à une minorité de patients aisés des pays émergents.

© GMB Akash/Panos
En raison de son industrie des génériques, l'Inde est connue comme la « pharmacie des pauvres ». Pourtant, de nombreux Indiens et Indiennes n'ont toujours pas accès à des médicaments vitaux.

… au lieu de favoriser l’innovation

L’Accord ADPIC sert avant tout les intérêts des géants de la pharma, car le monopole conféré par les brevets garantit à long terme des prix élevés. Dans leur argumentaire en faveur d'un tel accord, les pharmas soutenaient que cette extension des brevets permettrait de rentabiliser les nouveaux médicaments et favoriserait la recherche et développement (R&D).

La réalité est toutefois bien différente: les brevets ne favorisent pas une recherche innovante, mais sont destinés à protéger l’investissement et les profits. Ils freinent la R&D et accentuent le problème de l’accès aux médicaments.

Au mépris des besoins de santé publique particuliers des pays défavorisés, l'Accord ADPIC a consacré la mondialisation d'un modèle de R&D basé sur les brevets accordés aux firmes pharmaceutiques. Toutefois, des instruments connus sous le nom de flexibilités ADPIC permettent de pallier les défaillances du système des brevets et de rétablir l’accès aux médicaments vitaux.