Politique commerciale multilatérale

© Beth A. Keiser/Keystone
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est l’organisation responsable du système commercial multilatéral. Elle fixe les règles du commerce international pour ses quelque 160 pays membres. Son organe suprême est la Conférence ministérielle qui se réunit tous les trois ans.

Après les huit cycles de négociations qui se sont succédé depuis la seconde guerre mondiale, le commerce international a été massivement libéralisé. Les dernières négociations couronnées de succès ont eu lieu dans le cadre du Cycle d'Uruguay, de 1986 à 1994. Elles ont ouvert la voie à la création de l’OMC en 1995 (le GATT était avant le cadre institutionnel).

Celle-ci a amorcé une extension importante du domaine d’application des règles du commerce mondial, limité jusqu’alors au commerce de marchandises. Depuis, le commerce des services (AGCS), la propriété intellectuelle (ADPIC) et les produits agricoles (AsA) ont également été réglementés. Le lobbying intensif d’entreprises d’envergure internationale a joué un rôle décisif dans ce processus, comme l’a clairement montré le dossier de Public Eye intitulé «Machthungrige Strippenzieher» (« Les marionnettistes avides de pouvoir »).

L'Organisation mondiale du commerce (OMC)

L'OMC représente le fondement institutionnel et juridique du système de commerce multilatéral. Elle dispose d’un organe de règlement des différends commerciaux. Ses jugements sont contraignants et peuvent infliger des sanctions sévères.

Avec comme objectif affiché la libéralisation du commerce international, l’OMC est la force motrice de la mondialisation économique. Pour atteindre cet objectif, les barrières commerciales internationales doivent être supprimées : droits de douane, restrictions d’importations, subventions des exportations et autres mesures de protection douanière en vigueur constituant des obstacles au commerce.

La ligne directrice est de l’OMC est l’égalité entre tous ses membres. Pour ce faire, elle se base sur deux principes : le traitement national et le principe de la nation la plus favorisée. Le premier principe signifie que les acteurs économiques étrangers sur un marché intérieur doivent être soumis à la même législation que les acteurs nationaux. Le second garantit que les avantages commerciaux (par exemple des réductions de droits de douane) ne soient pas réservés à certains pays, mais accordés à tous les membres de l’OMC. Plusieurs dérogations sont toutefois prévues pour que les accords bilatéraux de libre-échange ou des accords préférentiels conclus avec des pays en développement puissent aussi être plus ou moins conformes aux règles de l’OMC.

L’OMC fixe des règles de commerce contraignantes pour ses membres. Celles-ci sont consignées dans près de 30 000 pages et définies par 30 accords. Les quatre accords principaux sont l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Trade and Tariffs, GATT), l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (Trade-related aspects of Intellectual Property rights, TRIPS), l’Accord général sur le commerce et les services (General Agreement on Trade in Services, GATS) et l’Accord sur l'agriculture (Agreement on Agriculture, AsA).

L’OMC : un besoin urgent de réformes

Public Eye est membre du réseau européen et du réseau international d’ONG actives dans le domaine de la politique commerciale. Elle s’engage en Suisse pour un système commercial multilatéral qui accorde à chaque pays la marge de manœuvre nécessaire à un développement autodéterminé, qui permettrait aux pays de mener leur propre politique industrielle de manière autonome, de créer des emplois dignes, de garantir les services publics et d’améliorer la sécurité alimentaire nationale. Au lieu de cela, la marge de manœuvre de chaque pays est de plus en plus restreinte par les règles de l’OMC – des instruments politiques que les pays industrialisés ont employé avec succès par le passé sont donc désormais interdits.

L’OMC doit donc subir une transformation en profondeur : elle doit se montrer plus transparente et se conformer davantage aux principes démocratiques – pas uniquement sur le papier, mais dans les faits également. Il faut par ailleurs mettre des limites au pouvoir de négociation excessif des pays industrialisés et à l’influence démesurée des multinationales. Mais plus que tout, l’OMC doit se distancer de son idéologie du libre-échange pour se fonder sur des valeurs telles que la durabilité, la justice, la solidarité et le respect des droits humains.

On ne peut que de douter de la disposition de l’OMC à entreprendre de telles réformes fondamentales au vu de sa situation actuelle, car elle est depuis longtemps en crise. Outre le blocage de son organe d’appel qui dure depuis des années, elle a de plus de plus de difficultés à conclure des accords multilatéraux. Cela entraîne la signature d’un nombre croissant d’accords bilatéraux, ce qui ne va pas dans le sens de l’OMC puisque les accords de libre-échange bilatéraux contournent le « principe de la nation la plus favorisée », qui est central pour l’OMC : les partenaires s’accordent des conditions commerciales préférentielles tandis que tous les autres pays sont discriminés.

Malgré ses critiques à l’égard du mode de fonctionnement et de l’orientation idéologique de l’OMC, Public Eye soutient clairement un système de commerce multilatéral avec des règles contraignantes. Pour les pays les plus faibles, ces règles contraignantes constituent une condition préalable pour éviter que ne règne la loi du plus fort.

Le cycle de Doha : un développement oublié

La volonté des pays industrialisés de libéraliser toujours davantage le marché mondial après le changement de millénaire s’est d’abord heurtée à une forte résistance de la part des pays en développement. Ce n’est qu’avec la promesse qu’il s’agirait cette fois d’un « cycle de développement » – dans lequel leurs besoins et leurs préoccupations occuperaient une place centrale – que les pays en développement ont pu être convaincus de prendre part à un nouveau cycle de négociations. Le Cycle de Doha était né.

Loin de tenir parole, les pays industrialisés ont une fois de plus privilégié leurs propres intérêts, exigeant de la part des pays du Sud des concessions à mille lieux d’un cycle de développement. Sous la conduite du Brésil, de la Chine et de l'Inde notamment, les pays en développement sont parvenus à résister à la tentative de pression du Nord. Les négociations du cycle de Doha ont ainsi été bloquées car les pays industrialisés se sont entêtés à ne pas tenir leurs promesses vis-à-vis des pays plus pauvres. Aujourd’hui, le « cycle de développement » est considéré comme enterré et symbolise le refus de l’OMC d'adopter des règles commerciales équitables en faveur des pays du Sud.