Fonds détournés: rendre enfin justice à la population angolaise

23.10.2008 - Alors qu’en France, le procès « Angolagate » est en cours, en Suisse, rien ne bouge. Le Procureur genevois, Daniel Zappelli, doit mener à terme l’enquête concernant le détournement de fonds publics angolais. La DDC doit, quant à elle, revenir sur sa décision d’accepter un contrat entre RUAG et l’Angola dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord Angola-Suisse sur la restitution de 21 millions de dollars.

Ces fonds ont été provisoirement saisis par la Suisse dans le cadre d’une procédure sur la gestion de la dette angolaise envers la Russie. Le 1er novembre 2005, les gouvernements suisse et angolais ont conclu un accord pour la restitution des 21 millions de dollars (plus intérêts) sous la forme de projets humanitaires. Le gouvernement angolais a notamment proposé un contrat d’achat de matériel de déminage à l’entreprise suisse d’armement RUAG. Or, pour la Déclaration de Berne et Action Place Financière Suisse, il n’est pas possible d’intégrer ce contrat, conclut dans des circonstances douteuses et en contradiction avec les exigences de l’accord Angola-Suisse de 2005, dans un programme de déminage humanitaire.

Selon les informations de la Déclaration de Berne et Action Place Financière Suisse, il existe deux contrats entre RUAG et le gouvernement angolais, tous deux signés à la même date, avant le 1er novembre 2005. Ils couvraient plus ou moins le même matériel, des machines de déminage ainsi que du matériel de guerre, mais à des prix différents. Une expertise mandatée par la Direction du développement et de la coopération (DDC) avait d’ailleurs recommandé de n’accepter aucun de ces deux contrats, mais la DDC a décidé de ne pas en tenir compte.

De plus, RUAG encaissera une commission totalement injustifiée sur cette transaction, car elle ne produit pas elle-même le matériel de déminage, mais devra l’acheter à l’entreprise MineWolf. Il est incompréhensible que le projet de déminage n’ait pas fait l’objet d’un appel d’offre public, comme cela a été le cas pour le projet de formation professionnelle agricole également financé par ces fonds.

Ce manque évident de transparence ne constitue pas une base saine pour un projet de déminage humanitaire. La DDC doit donc impérativement :

  • revenir sur sa décision,

  • inviter, en collaboration avec le gouvernement angolais, la société civile angolaise à déposer des projets de déminage qui correspondent aux exigences de l’accord de 2005,

  • publier le texte de l’accord Angola-Suisse du 1er novembre 2005, dans l’esprit de la Loi suisse sur la transparence de l’administration du 24 mai 2006.

Pour rappel, la procédure toujours en cours à Genève concerne le détournement de 774 millions de dollars de fonds publics angolais issus des revenus du pétrole. Cet argent était déposé sur un compte de l’UBS Genève, au nom de la société écran Abalone. Les titulaires, Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak, font partie des prévenus dans le cadre du procès dit de l’« Angolagate », actuellement en cours à Paris. Selon le rapport Time for Transparency, publié en 2004 par l’ONG anglaise Global Witness, 600 millions de dollars ont été transférés sur des comptes appartenant à Falcone, Gaydamak et diverses sociétés écrans. Or, certains de ces comptes étaient contrôlés par de hauts fonctionnaires angolais et par le président Dos Santos. En décembre 2006, des citoyens angolais ont déposé une plainte auprès du Procureur genevois afin de relancer l’enquête. Un mémoire détaillé a été soumis à la justice genevoise, en juillet 2007. Le Procureur général, Daniel Zappelli, doit mener à terme l’enquête et rendre enfin justice à la population angolaise spoliée.