Achats publics

La Suisse dépense près de 40 milliards de francs suisses en achats publics chaque année. Certains de ces biens sont produits à l’étranger: des textiles pour l’armée, la police ou le personnel hospitalier, du matériel informatique pour l’administration, des pierres pour les rues ou encore des aliments pour les restaurants du personnel de l’État. Dans le cadre de la révision de la loi fédérale sur les marchés publics, Public Eye s’est engagée pour des critères sociaux et écologiques contraignants. La nouvelle loi, adoptée en juin 2019, offre une plus grande marge de manœuvre pour un approvisionnement durable, qu’il s’agit désormais d’exploiter.

Sur les 40 milliards de francs d’achats publics annuels, environ 20% sont dépensés par la confédération, 40% par les cantons et 40% par les communes. En 2017, la Confédération a acheté des textiles et des vêtements pour une valeur de plus de 63.8 millions de francs suisses, ce qui en fait l’un des principaux acheteurs sur le marché des vêtements professionnels.

L’aspect de durabilité des achats des collectivités publiques ne repose pas sur une base purement volontaire: l’article 2 de la Constitution fédérale stipule que le développement durable est un objectif de l’État. La durabilité des achats publics est spécifiquement mentionnée dans le sous-objectif 12.7 du Programme de développement durable à l'horizon 2030 de l’ONU. Dans sa «Stratégie pour le développement durable», le Conseil fédéral s’engage à mettre en œuvre l’agenda 2030 de l’ONU et souligne explicitement sa volonté de se montrer exemplaire en matière de consommation.

L’article 2 de la loi fédérale sur les marchés publics (LMP), révisé en 2019, précise désormais que la LMP vise «une utilisation économiquement, écologiquement et socialement durable des deniers publics»:

La Confédération, les cantons et les communes ont ainsi le devoir d’adopter un mode de consommation durable, et de ne tolérer ni activement, ni passivement de violations des droits du travail et des droits humains dans la production des biens qu’ils achètent.

Une demande publique guidée de manière conséquente par des critères de durabilité est en outre une base solide pour permettre à des entreprises engagées dans une démarche socialement et écologiquement responsables à se positionner et à se faire une place sur le marché.

Plusieurs scandales révélés par les médias montrent pourtant qu’il y a encore de gros efforts à faire:

  • En 2012, une enquête du journal suisse alémanique «SonntagsZeitung» a révélé que les uniformes suisses pour la protection civile sont produits dans des conditions précaires, notamment dans des bidonvilles en Inde. Nombreux intermédiaires, manque de transparence et manque de contrôles: autant de facteurs qui favorisent des conditions de production scandaleuses (cf. Tagesanzeiger, 09.09.2012).
  • Beaucoup d’entre nous ont aujourd’hui conscience que les vêtements produits en Asie sont souvent synonymes de conditions de travail déplorables. Par opposition, l’Europe, en tant que région de production, a longtemps bénéficié d’une meilleure réputation et semblait garantir des conditions de travail équitables. Un mythe, comme l’ont révélé une enquête de Public Eye et de l’émission suisse alémanique «Kassensturz» (12.06.2012): les salaires de misère et les conditions de travail précaires sont aussi une réalité en Europe.
  • En novembre 2016, l’émission suisse alémanique «Rundschau» montre qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé, et que les services publics ne tiennent toujours pas (assez) compte des critères de durabilité: un reportage révèle que les nouvelles bottes de combat de l'armée suisse sont produites en Roumanie pour des salaires de misère n’atteignant pas deux francs de l’heure. En Suisse romande, un sujet a été diffusé au 19h30 (RTS) et les journalistes du magazine d'actualité humoristique «26 minutes» ont posé un regard (pas si) décalé sur ce scandale.

     

Le regard (pas si) décalé de 26 minutes sur le scandale des chaussures militaires de l'armée suisse. Extrait de l'émission du 19 novembre 2016.

Révision de la loi fédérale sur les marchés publics

Notre engagement

  • Pendant plus de dix ans, Public Eye s’est engagée aux côtés d’autres ONG pour que la révision de loi fédérale sur les marchés publics (LMP) instaure des règles contraignantes en matière de durabilité et de respect des critères sociaux, ainsi que pour la mise en place de contrôles efficaces pour vérifier le respect de ces critères.
  • La campagne sur les vêtements professionnels, lancée par Public Eye (anciennement Déclaration de Berne) en 2012, a montré à quel point il est urgent de résoudre les problèmes liés à l’achat par les pouvoirs publics de produits à risque, comme les vêtements professionnels.
  • Lors d’auditions auprès de commissions et de discussions avec des spécialistes et des parlementaires, nous avons activement pris part au débat sur la révision de la LMP, entre 2014 et 2019. Dans le cadre de la consultation de 2014/2015, nous avons formulé des propositions juridiquement vérifiées pour inclure des critères sociaux de façon concrète et cohérente dans la nouvelle loi.

La nouvelle loi offre une marge de manœuvre

Grâce au travail de longue haleine de Public Eye et de la coalition d’ONG pour les achats publics au cours des dix dernières années, la nouvelle loi sur les marchés publics adoptée en 2019 offre une plus grande marge de manœuvre juridique afin d’orienter véritablement la demande de la Suisse en fonction des critères de durabilité. Il est primordial que cette marge de manœuvre soit exploitée, tant dans le cadre de l’élaboration de l’ordonnance, des lois cantonales et communales, et de lignes directrices en matière d’achats publics que dans les pratiques d’approvisionnement concrètes de la Confédération, des cantons et des communes.

À lire à ce sujet: la prise de position de la coalition pour les achats publics concernant la révision de la loi sur les marchés publics.

  • © Christophe Bott / Keystone
  • © Christian Beutle / Keystone
  • © Laurent Gillieron / Keystone

Agir avec nous

  • Exigez plus de transparence de la part de votre commune en matière de pratiques d‘approvisionnement (de manière générale et pour les vêtements professionnels).

  • Engagez-vous pour que votre commune s’approvisionne en respectant des critères sociaux et environnementaux.

  • Si vous portez des vêtements professionnels: demandez où ces vêtements ont été produits et si, dans la production, les droits du travail et les normes environnementales ont été respectées. Exigez des pratiques d’approvisionnement respectueuses des standards sociaux et environnementaux.

  • Si vous occupez une fonction politique, si vous côtoyez des fonctionnaires ou si vous êtes membre d’un parti politique. vous pouvez donner plus de poids à nos revendications: engagez-vous pour que les propositions de la «coalition d’ONG pour les achats publics», visant à ancrer des critères de durabilité dans les pratiques d’approvisionnement public, soient soutenues dans la sphère politique. Lisez à ce sujet notre prise de position concernant la révision de la loi sur les marchés publics.

Pour en savoir plus sur les achats publics durables:

«Prise en compte des aspects sociaux dans les achats publics». Dans une version actualisée en mai 2015 de son document de travail sur la législation des marchés publics, le juriste Marc Steiner analyse la situation initiale et les options qui s'offrent aux législateurs. Il met en évidence le fait que la Suisse n'a jusqu'ici pas utilisé la marge de manœuvre juridique dont elle dispose pour prendre en compte les aspects liés au développement durable et aux critères sociaux.