Qui se cache derrière les sociétés? Les médias et les ONG doivent avoir accès au nouveau registre des bénéficiaires effectifs

Sous la pression internationale, le Conseil fédéral a enfin décidé de combler les principales lacunes du dispositif suisse de lutte contre le blanchiment d'argent. Pour cela, un registre fédéral des ayants droit économiques des sociétés doit être mis en place, et la loi anti-blanchiment (LBA) doit être étendue aux activités de conseil. Gros bémol: le projet de loi nécessite des améliorations substantielles, comme le constate Public Eye dans sa réponse à la consultation.

Avec la loi fédérale sur la transparence des personnes morales (LTPM), la Suisse veut introduire pour la première fois un registre fédéral des ayants droit économiques des sociétés. Le but : garantir davantage de transparence, en particulier concernant les structures offshore et les sociétés boîtes aux lettres, des entités souvent utilisées pour dissimuler des activités illégales. Le Conseil fédéral répond ainsi, du moins en partie, aux recommandations de l’organisme intergouvernemental Groupe d’action financière (GAFI).

La transparence est un moyen efficace de lutte contre la criminalité économique, comme le blanchiment d’argent ou la corruption. C'est pourquoi Public Eye salue la création d’un tel registre. Dans notre réponse à la consultation sur ce projet de loi, qui s’achève aujourd’hui, nous demandons toutefois que les professionnel∙le∙s des médias, les ONG et autres «détenteurs d’un intérêt légitime» y aient également accès – une pratique déjà en cours dans de nombreux pays de l’Union européenne. Bon nombre d’affaires ont démontré, par le passé, le rôle important joué par les journalistes et la société civile pour exposer de tels délits, contraires à l’intérêt public. Autre lacune: le nouveau registre doit impérativement couvrir les trusts, des entités particulièrement à risque en matière de blanchiment d’argent.

La loi fédérale sur la transparence des personnes morales introduit également des obligations de diligence et de déclaration pour les conseillers et conseillères. Cette nouvelle catégorie professionnelle de la loi sur le blanchiment d'argent englobe les personnes, particulièrement nombreuses en Suisse, qui créent, gèrent ou administrent des sociétés pour leur clientèle, ou encore qui effectuent des transactions immobilières pour le compte de tiers. Les avocat∙e∙s sont également concerné∙e∙s par cette nouvelle catégorie. Le projet de loi du Conseil fédéral veut toutefois les exclure en grande partie de l’obligation de communiquer en cas de soupçons de blanchiment d'argent, même pour des services normalement fournis par des personnes qui n’ont pas le titre d’avocat∙e∙s. Des améliorations doivent impérativement être apportées sur ce point. Le secret professionnel est important, mais il ne doit couvrir que les activités traditionnelles des avocat∙e∙s, et non des services d’intermédiaires financiers, comme la création ou la gestion de structures opaques. Public Eye demande par ailleurs que les violations de ces nouvelles obligations fassent l’objet de sanctions dissuasives.

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