Chine

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Après deux ans de négociations, la Suisse et la Chine se sont entendues en mai 2013 sur un accord qui a été signé en juillet 2013. Cet accord, qui est entré en vigueur en été 2014, a déjà été l'objet d'une analyse critique approfondie de Public Eye et de la Plateforme Chine. Le bilan est sans appel: les droits humains sont absents de l'accord avec la Chine. Public Eye est particulièrement déçu du manque de courage du Conseil fédéral, qui n’a même pas osé faire la moindre mention des droits humains dans l’accord.

À ce sujet, Public Eye a élaboré à temps ses réflexions et revendications, en collaboration avec des organisations partenaires de la Plateforme Chine, demandant que les questions de droits humains fassent partie de manière explicite de l’accord entre la Suisse et la Chine.

La Commission de politique extérieure du Conseil national avait accepté l'accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine à deux conditions : l'accord devait contenir un chapitre sur la durabilité et les commissions de politique extérieure devaient être informées à temps sur les implications de l'accord pour l'agriculture. Le chapitre sur la durabilité devait assurer que le Conseil fédéral se base sur les « meilleures pratiques » d'accords de libre-échange d'autres États et que les normes fondamentales du travail de l’Organisation internationale du travail (OIT) soient respectées.

C’était un début. Mais nos revendications allaient plus loin, puisqu’outre la question du droit du travail, elles portaient également sur le respect des droits humains. En vertu de son propre droit, ainsi que du droit international, la Suisse est liée aux droits humains – comme le confirme notamment le rapport juridique commandité par la Plateforme Chine auprès du Centre suisse de compétence pour les droits humains. Selon cette étude, la Suisse devrait également « faire en sorte que ceux-ci soient dûment pris en compte dans les accords de libre-échange ».

Un résultat décevant

Cependant, la mention de « droits humains » n’apparaissait pas une seule fois dans l’accord avec la Chine, ce qui plaçait la Suisse à contre-courant de la tendance mondiale et de sa propre ligne de conduite des années précédentes. L’ancrage d’exigences de base en matière de droits humains et du travail était d’autant plus important dans le cas de la Chine. Pour une concurrence juste, il faut des règles claires.

  • © Martin Bichsel
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La mention de «droits humains» n’apparaissait pas une seule fois dans l’accord de libre-échange avec la Chine: Public Eye a mené plusieurs actions de protestation, devant le Palais fédéral à Berne et en marge du WEF à Davos.

Les camps de travail forcé dans lesquels trimaient alors, selon les estimations, entre trois et cinq millions de personnes sont un exemple particulièrement frappant des violations des droits humains dans ce pays. En automne 2012, Public Eye et ses partenaires avaient invité en Suisse le célèbre dissident chinois Harry Wu. Après y avoir lui-même passé 19 ans, il avait décrit de façon saisissante les conditions indignes des camps de travail forcé, au cours de nombreux entretiens avec des représentant·e·s du gouvernement et du Parlement.

Dans le cadre de l’ALE, l’activiste des droits humains Harry Wu a appelé la Suisse à ne pas se préoccuper uniquement de la marchandise en provenance de l’étranger, mais aussi des hommes et des femmes qui la produisent.

Malgré l’absence de contraintes en matière de droits humains, le parlement suisse a accepté l’accord en mars 2014.

Sans standards minimaux contraignants sur le droit du travail, les droits humains et les droits des minorités dans l’accord, les produits issus du travail forcé en Chine bénéficient du même traitement que les autres. La Suisse a manqué l’occasion de poursuivre sa tradition humanitaire et de s’engager pour une amélioration de la situation des droits humains en Chine.

Après l’entrée en vigueur de l’ALE, Public Eye et ses organisations partenaires ont continué d’attirer l’attention sur la situation problématique des droits humains en Chine. Alors qu’en 2019, les preuves étaient de plus en plus accablantes que plus d’un million de membres de la minorité ouïghoure étaient détenus dans de nombreux camps d’internement au Xinjiang et de plus en plus soumis au travail forcé, nous avons demandé la suspension de l’ALE. Le Parlement a toutefois rejeté une intervention en ce sens.
À l’aide d’un avis de droit, nous avons fait clarifier les possibilités de sanction politique commerciale de la Suisse dans le cadre de l’ALE. L’avis de droit a confirmé nos craintes : l'actuel ALE entre la Suisse et la Chine n'offre aucune garantie que les produits issus du travail forcé n’entrent pas en Suisse : ils peuvent même bénéficier de conditions préférentielles. Le rapport recommande donc à la Suisse d’ancrer à l'avenir sa politique des droits humains dans le droit de l’économie extérieure, par exemple à l’aide d’une nouvelle loi sur l’économie extérieure qui, dans le cadre d'un processus démocratique, définisse les conditions de négociation des accords internationaux. Nous avons suivi ce conseil et nous engageons depuis lors pour l’élaboration d’une loi sur les mesures économiques extérieures qui fixe des principes et objectifs respectueux des droits humains et de l’environnement pour les futures relations économiques de la Suisse.