Son nom est charbon

© Nicolo Filippo Rosso/Bloomberg via Getty Images
La plus polluante des énergies fossiles marque son grand retour dans le XXIe siècle. Sortie de la pandémie, guerre en Ukraine, désordre sur les marchés énergétiques: tout semble bénéficier au charbon. Jamais il n’aura été autant extrait, échangé et consommé qu’en 2022. Une aubaine pour la place économique suisse, un désastre pour le climat.

Contrairement à son cousin le pétrole, le charbon est dénué de tout glamour. Il n’évoque ni les grandes fortunes construites sur le pétrodollar ni les intrigues géopolitiques, mais les travers de la révolution industrielle. Le charbon n’a pourtant pas été relégué aux livres d’Histoire. Au contraire : jamais il n’a été autant extrait, transporté et consommé qu’en 2022, année durant laquelle la production devrait dépasser huit milliards de tonnes. C’est 72 % de plus qu’au début du millénaire. Ce qui fait dire à l’historien des sciences français Jean-Baptiste Fressoz, lors de sa conférence «Une histoire politique du CO₂» : « Il n’y a jamais eu de transition énergétique ».

La croissance démographique, l’électrification et le désordre sur les marchés énergétiques assurent un bel avenir au Roi Charbon. Avec la financiarisation et l’internationalisation de son marché, la Suisse a une fois de plus tiré son épingle du jeu, accueillant les sièges des grands groupes miniers dès le début des années 2000 et donnant naissance à un véritable écosystème de la suie entre Zoug, Genève et Lugano.

« Et pourquoi s’en priverait-on ? Le charbon est l’énergie fossile la moins chère et la plus abondante sur terre, elle est incontournable pour faire sortir un quart de l’humanité de la pauvreté énergétique », assure un trader, acceptant d’évoquer son métier avec Public Eye, qui a enquêté pendant une année sur ce secteur.

L’argument développementaliste ne saurait être écarté d’un revers de main. L’enjeu de l’électrification d’une partie du continent africain et des pays du Sud de l’Asie reste fondamental dans la lutte contre le décrochage économique. Mais il ne faut pas non plus s’y tromper : le charbon est la matière première avec le pire ratio énergie produite/pollution. Il est responsable de 40 % de l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO₂).

Les pays émergents doivent donc éviter de tomber dans les mêmes pièges que le Vieux Continent, en se liant à long terme avec la suie, dont les externalités négatives sont inquantifiables.

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