Le système agroalimentaire

Notre système agroalimentaire mondial est complexe: à partir d'une représentation graphique des maillons de la chaîne de valeur, cette page présente des informations contextuelles, des chiffres clés, ainsi que des idées et suggestions pour aborder ce thème dans les écoles et autres lieux d'apprentissage.

Suggestions didactiques

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  • Pertinence du sujet, lien avec le plan d'études

    L'alimentation est un besoin fondamental pour tout le monde et le droit à l'alimentation un droit humain. Alors que la surconsommation et le gaspillage alimentaire prévalent dans certaines régions, dans d'autres parties du monde, se nourrir est un combat quotidien. Notre système agroalimentaire mondial, c'est-à-dire la manière dont les aliments et le fourrage pour les animaux sont produits, transformés et commercialisés, s’est considérablement transformé au cours des dernières décennies. Pour nos élèves, la relation existante entre la fourche et la fourchette est de plus en plus difficile à percevoir.

    Que s’est-il passé entre la plantation d’une graine dans un champ et le moment où un produit alimentaire plus ou moins transformé arrive dans notre assiette? Quels sont les acteurs qui entrent en scène tout au long de ces chaînes de valeur? Quels sont les impacts sociaux, sanitaires et environnementaux?

    Autant de questions qui peuvent être abordées en classe et qui permettront d’appréhender avec les élèves la complexité d’une chaîne de production mondialisée.

    Cette thématiques peut être traitée dans plusieurs disciplines, par exemple en sciences humaines et sociales, en sciences de la nature ou en éducation nutritionnelle, séparément ou de manière inter/trans-disciplinaire. Selon les objectifs fixés et la méthode de travail choisie, la formation générale et les capacités transversales pourront aussi être travaillées (secondaire I).


    Liens possibles au PER: secondaire I (cycle 3)

    SHS 31
    Analyser des espaces géographiques et les relations établies entre les hommes et entre les sociétés à travers ceux-ci.

    SHS 32
    Analyser l'organisation collective des sociétés humaines d'ici et d'ailleurs à travers le temps…

    SHS 33
    S'approprier, en situation, des outils et des pratiques de recherche appropriés aux problématiques des sciences humaines et sociales…

    SHS 34
    Saisir les principales caractéristiques d'un système démocratique…

    MSN 36
    Analyser des phénomènes naturels et des technologies...

    MSN 38
    Analyser l'organisation du vivant et en tirer des conséquences pour la pérennité de la vie…

    CM 37
    Opérer des choix en consommateur averti…

    FG 36
    Prendre une part active à la préservation d'un environnement viable.

    FG 37
    Analyser quelques conséquences, ici et ailleurs, d'un système économique mondialisé.

    CT
    Collaboration, communication, stratégies d'apprentissage, pensée créatrice, démarche réflexive.


    Liens possibles aux plans d'études: secondaire II

    Formation professionnelle : Plan d'études cadre
    Domaine Société: Aspects Écologie, Politique, Technologie et Économie

    Maturité professionnelle : Plan d'études cadre pour la maturité professionnelle
    Domaine spécifique: Sciences naturelles, Sciences sociales, Économie et Droit
    Domaine complémentaire: Histoire et institutions politiques, Technique et environnement

    Écoles de maturité: Plan d'études cadre
    Domaine: Géographie, Économie et Droit, Philosophie, Applications des mathématiques, Sciences expérimentales

    Écoles de culture générale: Plan d’études cadre pour les écoles de culture générale
    Deuxième domaine d’études: Mathématiques, Sciences expérimentales, Informatique
    Troisième domaine d’études: Sciences humaines et sociales

  • Connexion à l’Éducation en vue d’un développement durable (EDD)

    Aborder le système agroalimentaire mondial permet de traiter toutes les dimensions du développement durable.

    • Économie: les grandes firmes agroalimentaires et leur concentration croissante sur le marché (intégration verticale et horizontale), le négoce mondial, le commerce de détail, les circuits courts, etc.
    • Environnement: les ressources naturelles, la pollution liée à la production agroalimentaire et son impact sur le changement climatique, les différents modes de culture plus ou moins respectueux de l’environnement, etc.
    • Société: les impacts sociaux liés à la production agroalimentaire, les habitudes de consommation, le lien entre aliments transformés et santé, la souveraineté alimentaire, la pauvreté et la famine, etc.
    • Temps: les changements entre les modes de production du temps de nos grands-parents ou de nos ancêtres et la production agroalimentaire mondialisée.
    • Espace: la mondialisation de l'industrie agroalimentaire (locale/mondiale), les chaînes de valeur mondiales, les acteurs nationaux et internationaux, etc.

    L’EDD promeut des méthodes de travail actives et participatives, ainsi que l’apprentissage coopératif pour que les élèves puissent développer des compétences utiles pour façonner un monde durable. Le travail par projet, les jeux de rôles, les enquêtes de proximité sont autant de moyens pour exercer le changement de perspective ou la pensée critique et créative qui figurent parmi les compétences clés pour le XXIe siècle.

  • Idées pour la mise en œuvre au secondaire I et II

    Des idées pour travailler à partir du graphique ci-dessus avec des élèves du secondaire I et II sont développées ci-dessous. Des suggestions pour travailler sur le système agroalimentaire mondial dans son ensemble et trois étapes de la chaîne de valeur sont traitées: la production, le commerce de détail et la consommation. D’autre étapes pourront être approfondies en classe selon les besoins et les envies des enseignant·e·s et des élèves. Des informations complémentaires qui peuvent aider les enseignant·e·s à préparer leurs cours sont également présentées.

    Le système agroalimentaire mondial dans son ensemble

    • Commencer par des questions générales sur la chaîne de production de l'industrie agroalimentaire. Par exemple: par quelles étapes la production alimentaire passe-t-elle aujourd’hui? Comment pouvez-vous décrire chaque étape?
    • Clarifiez avec un exemple: en partant d'un aliment du quotidien choisi par les élèves (par exemple, du pain), demander d’expliquer, en regardant le graphique, par quelles étapes il passe avant d’arriver dans notre assiette.
      Exemple de réponse pour le pain (agriculture non biologique):
      Les céréales nécessaires sont produites à partir de semences et à l’aide d’engrais et de pesticides (production); elles sont ensuite vendues par les producteurs via des intermédiaires ou directement à des sociétés de négoce agricole (négoce). Puis elles sont transformées en produits intermédiaires ou en denrées alimentaires (par exemple en farine); la farine est ensuite transformée avec d'autres ingrédients pour obtenir du pain (transformation alimentaire); le pain est enfin vendu au consommateur, soit en passant par un intermédiaire (commerce de détail), soit directement.
    • Aborder les changements dans la chaîne de production agroalimentaire. Par exemple: à quoi ressemblait la chaîne de production alimentaire au temps de nos grands-parents et de nos arrière-grands-parents? Quelles différences voyez-vous entre les deux modèles? Quels avantages/inconvénients voyez-vous à ces deux modèles? Que s’est-il passé pour que l’on passe d’un modèle à l’autre? Et à quoi ressemblerait un exemple actuel d'agriculture locale/régionale?
      Note: le système alimentaire mondial, tel que décrit dans le graphique, ne représente qu'entre 30 et 40% de l'alimentation mondiale, selon les estimations. Dans de larges parties du monde, de nombreuses personnes ne sont pas intégrées dans le système alimentaire mondial.
      Exemple de réponse:
      Pour passer du modèle «traditionnel» à l’actuelle chaîne de production alimentaire, trois évolutions sont intervenues: l’accélération de la mondialisation; l’industrialisation/externalisation; la concentration du marché dans les mains de grandes sociétés agroalimentaires.
    • S’intéresser aux multinationales qui contrôlent les marchés (semences, engrais, pesticides, matières premières agricoles, etc.) et qui sont actives à différentes étapes de la chaîne agroalimentaire (production, négoce, transformation, etc.). Par exemple: quelles sont les sociétés qui dominent le marché mondial des semences? Quel rôle joue la Suisse dans le négoce mondial de matières premières agricoles?
    • Visiter un lieu de production ou de transformation d’un produit alimentaire.

    Production

    • Demander aux élèves, individuellement ou par groupe, de construire une carte heuristique («mind map») sur les impacts sociaux et environnementaux liés à la production d’un produit alimentaire (ex.: oranges, cacao) dans un pays producteur. Synthétiser sur une seule carte pour la classe. Faire des recherches pour compléter puis ouvrir une discussion sur une question qui en découle. Par exemple: quels sont les acteurs qui tirent les ficelles? Comment améliorer les conditions de travail dans les pays producteurs? Quels acteurs ont quelles responsabilités à cet égard? Comment renforcer la protection des droits humains et de l'environnement dans les pays producteurs? Quel rôle la Suisse joue-t-elle dans ce domaine?
    • Organiser une visite dans un domaine agricole de la région avec la participation des élèves.

    Commerce de détail

    • Comparer les avantages/inconvénients des achats d'aliments à la ferme, au marché ou au supermarché. Organiser un jeu de rôle. Séparer la classe en différents groupes d’acteurs: par exemple, un paysan pratiquant la vente directe à la ferme, un petit commerçant de quartier, un vendeur ou une vendeuse dans un supermarché, un directeur ou une directrice d'une chaîne de supermarchés et des consommateurs et consommatrices aux besoins différents (familles, individus avec un grand/faible pouvoir d’achat), etc. Trouver des arguments pour convaincre de consommer ses produits ou pour consommer à tel ou tel endroit. Exposer les arguments de chacun et ouvrir un débat sur les différentes façons de consommer.
    • S’intéresser au commerce de détail en Suisse. Par exemple: quelles sont les principales entreprises de ce secteur? Quelle est leur part de marché au niveau national et international? Quel est leur chiffre d’affaires? Comparer avec le PIB de pays de plusieurs continents. Interviewer des acteurs du commerce de détail dans le quartier.

    La consommation

    • Proposer une activité autour du parcours des aliments. Par exemple: choisir différents menus et enquêter sur la provenance des ingrédients, calculer le chemin parcouru entre le lieu de production et le lieu de consommation. Discuter de l’empreinte écologique et des actions possibles à mettre en place pour la réduire. Organiser avec les élèves un repas sain, savoureux et écologique.
    • Réfléchir au gaspillage alimentaire. Par exemple: enquêter sur le gaspillage au niveau mondial, national/local et individuel. Observer à quelle étape de la chaîne de production il y a le plus de gaspillage. Réfléchir à des pistes d’action pour réduire ce gaspillage au niveau individuel et collectif. Proposer avec les élèves des actions concrètes au sein de l’école (jardins scolaires, actions à la cantine, etc.).

Contexte: le système agroalimentaire mondial

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La croissance démographique, l’augmentation des revenus et l’urbanisation entraînent une croissance mondiale de la demande en aliments, notamment en viande et en produits transformés, ainsi qu’en agrocarburants. Associée à la politique économique axée sur le libre-échange, à un modèle de développement orienté sur les exportations dans de nombreux pays et aux progrès technologiques, cette croissance a amorcé un changement radical de notre système agroalimentaire au cours des dernières décennies.

Une poignée de multinationales contrôlent désormais de grandes parties de ce système basé sur des chaînes de valeur internationales. Elles dictent dans une large mesure les conditions dans lesquelles sont produites, transportées, transformées et commercialisées les matières premières agricoles qui terminent dans les aliments et denrées, agrocarburants ou textiles du monde entier. La position dominante de ces sociétés sur le marché ne se limite pas à des étapes spécifiques des chaînes de valeur, comme la culture ou la transformation. De plus en plus, elles sont présentes à plusieurs étapes et bénéficient ainsi d’une influence croissante sur notre système agroalimentaire. Des millions d'agriculteurs et agricultrices et leur personnel agricole ont extrêmement peu de pouvoir face à elles et ne peuvent quasiment rien contre les conditions de travail déplorables et les risques sanitaires en vigueur dans de nombreux pays. Cette asymétrie des pouvoirs s'accompagne d’une répartition très inéquitable de la création de valeur. Alors que de nombreuses entreprises engrangent des milliards de chiffre d’affaires, la plupart des producteurs et productrices perçoivent un revenu insuffisant pour vivre.

La Suisse joue un rôle central dans le secteur agroalimentaire: de nombreuses multinationales (telles que le géant de l’agrochimie Syngenta, premier fabricant de pesticides au monde, ou le numéro un mondial de l’agroalimentaire Nestlé) y ont installé leur siège. Les activités des plus grandes sociétés de négoce agricole au monde passent également en grande partie par la Suisse, première place mondiale du négoce de matières premières.

Informations complémentaires:

Intrants 

Les intrants (parfois appelés «inputs») sont des ressources employées dans l’élevage et la production de végétaux. Ils comprennent les engrais, les pesticides, les semences et les cultures de plantes ainsi que les ressources d’élevage et de zoogénétique, la médecine vétérinaire, les machines et autres moyens techniques, et de plus en plus les données électroniques et les technologies numériques. Le fourrage est à la fois un intrant pour l’élevage et un produit agricole, puisqu’il est généralement produit à partir de matières premières végétales comme le soja.

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  • Marché des intrants

    Une vague de consolidation sans précédent

    La forte concentration du marché, déjà très marquée, continue de s’accentuer dans les divers secteurs des intrants. En particulier depuis 2018, on assiste à d’importantes fusions et acquisitions: Monsanto a été rachetée par la multinationale de pesticides et de semences Bayer, Dow et Dupont ont fusionné pour créer le géant de l’agrochimie Corteva, Syngenta a fusionné en 2020 avec le fabricant d’engrais Sinochem et l’entreprise de pesticides ADAMA, et la fusion d’Agrium et PotashCorp a engendré la plus grande multinationale d’engrais au monde, Nutrien Ltd. Dans le domaine de la médecine vétérinaire, quatre entreprises dominaient 60% du marché en 2018. Il s’agit là exclusivement de filiales ou d’entreprises dérivées de multinationales de la pharmaceutique (humaine) encore plus puissantes. Zoetis, par exemple, premier fournisseur de médecine vétérinaire, est une entreprise dérivée du géant de la pharma Pfizer.

    Concentration intersectorielle

    Outre l’augmentation des parts de marché des entreprises au sein d’un même secteur, on assiste également à une accélération de la concentration intersectorielle. Certaines multinationales des pesticides, qui sont déjà actuellement les premiers fournisseurs de semences, se lancent désormais dans le commerce d’engrais. Les géants de l’agrochimie, et notamment des technologies agricoles, deviennent aussi des fournisseurs de technologies et de données. Ils font des affaires ensemble, achètent des entreprises de technologie et coopèrent avec des géants des données comme Google ou Amazon. Le développement de la numérisation devrait entraîner une concentration croissante dans le secteur des technologies agricoles, ainsi que d’autres fusions et acquisitions dans toute l’industrie des intrants.  

    Dépendance des agriculteurs et agricultrices

    Aujourd’hui, la plupart des intrants agricoles ne sont plus produits sur l’exploitation mais sont achetés. Des multinationales et des fournisseurs locaux vendent souvent plusieurs intrants dans des «paquets» combinant semences, pesticides et engrais. Pour les petits agriculteurs et agricultrices, en particulier ceux qui n’ont pas d’assurance et qui vivent déjà dans une grande pauvreté, ces paquets onéreux peuvent être source d’endettement et d’une relation de dépendance problématique. La concentration croissante du marché accentue les inégalités existantes entre des multinationales toujours plus puissantes et de petites exploitations agricoles au faible pouvoir de négociation.

  • Pesticides

    Depuis 1990, l’utilisation de pesticides dans l’agriculture a été multipliée par deux au niveau mondial. Aujourd’hui, plus de trois millions de tonnes de produits chimiques sont épandues chaque année pour lutter contre les mauvaises herbes, les maladies fongiques ou les insectes. Si la grande majorité était utilisée dans les pays industrialisés il y a 30 ans, de plus en plus de pesticides sont aujourd’hui épandus dans les pays en développement et émergents. Le Brésil, la Chine et l’Argentine utilisent 40% des volumes mondiaux. En Amérique du Sud en particulier, d'énormes quantitiés de pesticides sont utilisées dans la culture de soja destiné à l’alimentation animale et dans d’autres matières premières agricoles commercialisées dans le monde.

    Une société suisse contrôle un quart du marché

    Le marché des pesticides, estimé à près de 60 milliards de dollars (US) en 2019, est dominé par un nombre toujours plus réduit de multinationales de l’agrochimie toujours plus puissantes. Les cinq premières, Syngenta (Suisse), BASF (Allemagne), Bayer (Allemagne), FMS (États-Unis) et Coverta (États-Unis), dominaient en 2019 environ 70% du marché. Le leader mondial Syngenta détenait à lui seul 25% du marché. 

    Deux poids, deux mesures

    Les pays en développement et émergents emploient une quantité particulièrement importante de pesticides «extrêmement dangereux»: ceux qui présentent des risques avérés et particulièrement élevés pour la santé ou l’environnement. L’Union européenne (UE) et la Suisse ont interdit la plupart de ces produits, mais leurs fabricants continuent de les vendre ailleurs, dans des pays où la réglementation et sa mise en application sont plus faibles, et les risques plus élevés. Par ailleurs, l’Europe importe de grandes quantités d’aliments et de fourrage depuis des pays producteurs qui utilisent ces substances problématiques, interdites ici.

    Des conséquences désastreuses sur la santé

    Chaque année, 25 millions de personnes sont victimes d’une intoxication aigüe aux pesticides, et plus de 200 000 en meurent. 99% de ces empoisonnements mortels surviennent dans des pays en développement et émergents. Deux tiers environ sont le fait de suicides: une expression tragique de la spirale économique infernale dans laquelle les agriculteurs et agricultrices se retrouvent souvent piégés. Ces chiffres, publiés par l’Organisation mondiale de la Santé en 1990, sont la seule référence disponible à ce jour, bien qu’ils ne représentent plus la quantité actuelle d’intoxications puisque beaucoup plus de pesticides sont utilisés en 2020 qu’il y a 30 ans. Une exposition répétée sur de longues périodes aux pesticides augmente les risques de développer des maladies telles que le cancer, le diabète, Parkinson ou Alzheimer, ainsi que des malformations congénitales et des troubles hormonaux ou reproductifs. Certains pesticides sont en outre extrêmement toxiques pour les abeilles et d’autres insectes, ou contaminent les sols, les eaux souterraines et l’eau potable. 

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  • Semences

    Depuis des millénaires, les agriculteurs et agricultrices du monde entier développent, sélectionnent et multiplient les semences agricoles, qui sont à la base de notre alimentation. La diversité des variétés est essentielle à la sécurité alimentaire, tout comme le libre accès aux semences pour les obtenteurs et les agricultrices. Or elles sont aujourd’hui toutes les deux menacées.

    Un marché très concentré

    En 2018, le marché mondial des semences était contrôlé par trois entreprises seulement: Bayer, Corteva et Syngenta. Le processus de concentration a débuté lorsque des sociétés de chimie ont commencé à racheter de petites entreprises de semences au début des années 1990, alors que les variétés génétiquement modifiées se répandaient. Aujourd’hui, les trois plus grandes sociétés de semences sont aussi les trois premiers fabricants de pesticides.

    La biodiversité agricole en danger

    Les multinationales se concentrent sur un nombre très réduit de variétés standardisées à haut rendement, qui se prêtent particulièrement bien à l’agriculture industrialisée, à la transformation et au transport. Selon des données de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la biodiversité agricole s'est réduite de 75% entre 1900 et 2000. Les trois quarts de notre alimentation proviennent de seulement 12 variétés de plantes et cinq races d’animaux, et la diversité au sein de ces races se réduit continuellement. Pour le développement de plantes adaptées aux conditions locales et de leur résistance contre les maladies, les nuisibles et les changements climatiques, le maintien et la disponibilité d’une diversité suffisante de variétés sont toutefois essentiels. La diversité des semences et le libre accès à celles-ci par les agriculteurs et agricultrices sont donc des conditions importantes pour le droit à l’alimentation et la sécurité alimentaire.

    Les droits des agriculteurs et agricultrices menacés

    Si, dans le système formel, les semences sont obtenues et vendues par des entreprises, dans le système informel, les agriculteurs et agricultrices assurent l’approvisionnement du marché local en semences en les répliquant, les échangeant et les vendant. C'est ainsi que des centaines de millions de petits paysans et paysannes dans les pays du Sud garantissent une énorme diversité des semences. L’industrie quant à elle vend par exemple des semences hybrides qui ne peuvent pas aussi bien être reproduites, et protège ses semences par le biais des des droits de propriété intellectuelle. Ces brevets ou titres de protection des variétés empêchent les agriculteurs et agricultrices de réutiliser et d’échanger librement leurs semences obtenues à l'aide de méthodes agricoles traditionnelles. Les États occidentaux, dont la Suisse, exercent dans le cadre de traités de libre-échange une pression sur les pays en développement et émergents pour les forcer à adopter des lois strictes en matière de protection des variétés. Les droits des agriculteurs et agricultrices et la sécurité alimentaire s’en trouvent ainsi menacés.

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  • Engrais

    La fertilisation vise à améliorer la croissance, la qualité et le rendement des plantes par l’utilisation de substances nutritives (engrais). Il existe diverses méthodes telles que l’utilisation de fumier d’origine animale, de déchets végétaux ou de cendres et, depuis la moitié du XXe siècle, d’engrais synthétiques fabriqués industriellement. Ceux-ci permettent certes une amélioration de la productivité, mais ils occasionnent aussi de graves problèmes environnementaux, que ce soit dans leur production, dans leur extraction ou dans leur utilisation.

    Dépendance aux ressources non renouvelables

    Depuis 1961, l’utilisation d’engrais synthétiques a été multipliée par six. Ceux-ci sont principalement composés de trois macronutriments: l’azote, dont la production est basée sur du gaz naturel ou du pétrole, le phosphore et le potasse, obtenus par l’exploitation de mines. Les réserves mondiales de phosphore et de potasse sont non renouvelables et limitées à un nombre très réduit de pays. La production d’azote est très gourmande en énergie et dépend de gaz naturel et de pétrole à bas prix. C'est pourquoi la production d’engrais est fortement concentrée géographiquement. La Chine, l’Inde, les États-Unis, le Canada, la Russie, la Biélorussie et le Maroc sont les principaux pays de production.

    Un marché opaque

    Le lucratif business mondial de l’engrais est de plus en plus concentré dans les mains d’une poignée d'entreprises: en 2018, les dix plus grandes sociétés d’engrais contrôlaient environ 50% du marché mondial. Celui-ci est particulièrement opaque et des cartels ont déjà été créés à plusieurs reprises.

    Changement climatique et pollution

    Les engrais occasionnent de nombreux problèmes environnementaux, en particulier la fertilisation à l’azote, très répandue. Les quantités d’azote présentes dans notre environnement ont été multipliées par deux depuis la moitié du XXe siècle. Son utilisation entraîne des émissions de protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre, et, à long terme, l’acidification des sols et une réduction de leur teneur en humus. Les eaux sont en outre systématiquement polluées, ce qui entraîne notamment une forte augmentation de la présence d’algues et une pollution de l’eau potable dangereuse pour la santé. Parmi les problèmes occasionnés par l'extraction d’engrais minéraux figurent la pollution atmosphérique aux particules toxiques, la pollution et la destruction de milieux naturels et les graves conséquences sociales et sanitaires liées.   

    Répartition inégale et utilisation préoccupante

    Alors que les substances nutritives sont beaucoup trop importantes dans la plupart des pays industrialisés et émergents, de nombreux pays en développement n’en ont pas suffisamment aujourd’hui. Cette carence en nutriments est due à une agriculture intensive sans quantité suffisante de fertilisant, ainsi qu'à l’érosion des sols et au lessivage. Elle est particulièrement fréquente dans l’agriculture paysanne des régions au climat tropical, notamment en Afrique. La plupart de ces sols étant déjà fortement dégradés, leur fertilité ne peut pas être facilement rétablie à l’aide d’engrais minéraux. Il faudrait plutôt que des mesures globales soient prises en faveur de la formation de substances organiques et de l’amélioration de la fertilité des sols, par exemple à l’aide de la fertilisation organique et de méthodes agroécologiques. À travers le monde, ces ressources nettement moins onéreuses et plus durables reviennent actuellement sur le devant de la scène.

Culture et première transformation

La vaste majorité des quelque 900 millions de personnes qui travaillent dans l’agriculture à travers le monde vivent dans des pays à faibles revenus, où ce secteur demeure le principal employeur. Certains produits agricoles tels que la banane ou le riz sont principalement consommés dans leur pays de production et seule une fraction des récoltes est commercialisée à l'étranger. À l’inverse, certaines matières premières agricoles comme le cacao ou le café sont surtout produites pour l’exportation.

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  • Culture

    Des problèmes différents en fonction des types de cultures

    Dans l’agriculture, il convient de faire une distinction entre les cultures à forte intensité de main-d’œuvre et celles à forte intensité de capital. Une forte intensité de main-d’œuvre signifie que les principales étapes de la culture – soin des plantes, épandage de pesticides ou récolte – sont en grande partie réalisées à la main. La culture du cacao demande par exemple beaucoup de travail manuel réalisé par de petits agriculteurs et agricultrices indépendants, tout comme la production d’oranges qui se fait de plus en plus dans de grandes plantations. Les violations de droits humains sont fréquentes dans ces contextes, notamment l’absence d’un revenu ou salaire vital, le travail d’enfants et le travail forcé, ainsi que des conditions de travail dangereuses pour la santé. En outre, de petits producteurs et productrices indépendants sont exclus du marché, en partie par des sociétés de négoce agricole qui cultivent de plus en plus cultivés elles-mêmes leurs produits. Certaines des plus grandes sociétés de négoce possèdent désormais leurs propres orangeraies, palmeraies ou plantations de canne à sucre, et sont ainsi co-responsables des fréquentes violations de droits humains et du droit du travail.

    Dans les cultures à forte intensité de capital, où la production est en grande partie mécanisée, comme pour le soja, le blé ou le maïs, les violations directes des droits humains sont moins fréquentes. Les problèmes les plus répandus dans ces contextes sont la déforestation et l'accaparement des terres pour répondre aux besoins croissants en surfaces agricoles, ou encore l’utilisation massive de pesticides dangereux.

  • Première transformation

    Seules quelques rares matières premières agricoles sont échangées à l’international sous leur forme originale (par exemple les fruits). Le stockage et le transport exigent pour la quasi-totalité des produits une première transformation après la récolte (par ex.: fermentation et séchage des fèves de cacao, pressage des fruits du palmier à huile). Ces étapes sont parfois réalisées par les producteurs et productrices, mais elles demandent souvent des installations dont seules les grandes maisons de négoce disposent. La part de création de valeur revenant aux producteurs et productrices s’en trouve ainsi encore réduite.

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Négoce

Les matières premières agricoles les plus importantes au monde en termes de valeur commerciale totale sont le soja, le blé et le maïs. Le marché est très concentré. 90% des exportations de soja par exemple proviennent de trois pays seulement: le Brésil, les États-Unis et l’Argentine. La Chine importe près des deux tiers du soja échangé à travers le monde. L’Indonésie et la Malaisie exportent à elles seules environ 85% de l’huile de palme mondiale, tandis que l’Inde et la Chine en importe 35%. Les exportations de maïs, de cacao, de coton ou de café sont aussi principalement concentrées sur trois pays chacune.

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  • La Suisse, plaque tournante du négoce mondial

    La Suisse abrite les plus puissants négociants

    Du côté des entreprises aussi, la concentration est très forte. Une poignée de puissantes sociétés contrôlent le négoce mondial des matières premières agricoles. Le négoce de céréales et de soja, par exemple, est dominé par les géants «ABCD»: les sociétés de négoce ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus. Même la répartition de leurs activités est géographiquement concentrée: une part considérable de leur négoce est réalisé depuis la Suisse, ce qui en fait la première place mondiale du négoce de matières premières agricoles. L’opacité du secteur empêche d’avoir accès aux chiffres officiels. Public Eye estime qu’au moins 50% des céréales, 40% du sucre, 30% des grains de café et des fèves de cacao, ainsi que 25% du coton sont négociés par des sociétés suisses.

    De simples négociants à gestionnaires des chaînes de valeur mondiales

    Les grandes sociétés de négoce agricole ne se contentent plus d'acheter et de vendre des marchandises: souvent, il s'agit d'entreprises à forte intégration verticale, actives à diverses étapes des chaînes de création de valeur. Elles s’immiscent autant dans les étapes de production initiales que dans la transformation des aliments et du fourrage ou des agrocarburants, ce qui demande d’énormes capacités de transport et de stockage. Elles peuvent ainsi exploiter un domaine d'activité supplémentaire, car les sociétés ne peuvent pas toujours exploiter elles-mêmes leurs capacités de transport et de stockage en raison des fluctuations de l’offre et de la demande. Les géants du négoce renforcent ainsi leur influence sur l’ensemble du système agroalimentaire.

    Informations complémentaires

Transformation

Au centre des chaînes de valeur mondiales de l’agroalimentaire, les matières premières agricoles sont transformées en aliments et denrées de luxe, en agrocarburants, en fourrage, en produits cosmétiques et pharmaceutiques ou en textiles.

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  • Transformation

    Si certaines matières premières comme le cacao, le café ou le tabac sont principalement consommées comme denrées de luxe, d'autres peuvent aussi être utilisées comme aliments et fourrage et parfois comme agrocarburants. Parmi ces «cultures flexibles» (ou «flex crops» en anglais) figurent le soja, le blé, le maïs, l’huile de palme et le sucre de canne. Une utilisation spécifique est prépondérante dans la plupart des cas: par exemple, jusqu’à 90% du soja mondial est destiné au fourrage. Sa production est donc directement liée à la consommation mondiale de viande.

    Aux mains d'une poignée de sociétés

    Le marché de la transformation de matières premières agricoles est lui aussi très concentré. Tout comme le stockage et le transport, la transformation demande d’énormes infrastructures et de grandes capacités. Rien d’étonnant alors à ce que cette étape soit aussi en grande partie contrôlée par de puissants négociants agricoles. Par exemple, seules trois sociétés, Cutrale, Citrosuco et Louis Dreyfus (cette dernière opère depuis la Suisse), produisent environ les trois quarts du concentré de jus d’orange mondial. Quant au cacao, trois sociétés transforment les deux tiers environ des fèves de cacao: Barry Callebaut, numéro un mondial des produits chocolatiers et à base de cacao dont le siège est à Genève, Cargill et Olam.

    La transformation et la fabrication d’aliments et de fourrage sont plus lucratives que le négoce ou la production. De nombreuses sociétés en retirent un plus grand chiffre d’affaires qu’avec le négoce. Les négociants ne sont pas les seuls à se frotter les mains: les pays dans lesquels les produits sont transformés profitent aussi de ces activités. Alors que la culture des matières premières agricoles, moins lucrative, est principalement réalisée dans des pays du Sud à faibles revenus, les étapes les plus profitables de la transformation ont lieu dans les pays du Nord.

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Commerce de détail

En raison de la croissance de la classe moyenne à l’échelle mondiale, de l’urbanisation et de nouvelles habitudes alimentaires, on assiste à une augmentation de la demande en aliments transportables et stockables, présentant une longue conservation et faciles à préparer. Ces aliments transformés sont principalement vendus en supermarché. La proportion d'achats en supermarché s’élève à plus de 50% en Europe et à plus de 90% en Amérique du Nord. En Afrique, en Asie et en Amérique latine, cette proportion est d’environ 40% et a tendance à augmenter.

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  • Les détaillants et le système agroalimentaire

    Comme les produits hautement transformés (prêts à l’emploi) gagnent en importance, les détaillants ont de plus en plus d'influence dans le système agroalimentaire mondial.

    Sur l’ensemble de la valeur créée tout au long des chaînes de valeur, la part revenant aux petits agriculteurs et au personnel agricole ne cesse de se réduire, alors que les supermarchés s’octroient une part toujours plus importante. En effet, les détaillants achètent aussi directement aux producteurs et ont ainsi une influence sur les prix de production. Mais des acteurs relativement moins puissants tels que les fabricants d’aliments sont souvent soumis à la pression qu'exercent les supermarchés sur les prix. Et ces fabricants répercutent à leur tour la pression sur les producteurs. Les détaillants s’octroient des parts de marché en fabriquant eux-mêmes des produits de consommation et en les vendant sous leurs propres marques. Avec leur accès direct, d’une part, aux producteurs et transformateurs et, d’autre part, aux consommateurs et consommatrices, ils ont une influence considérable sur les conditions dans lesquelles les aliments et de nombreux autres produits sont fabriqués et vendus.

    De plus, le commerce de détail est très concentré. Walmart, premier détaillant mondial, enregistre 500 milliards de dollars (US), soit plus de 6% du chiffre d'affaires total du secteur, et a ainsi réussi à se hisser parmi les 20 plus grandes entreprises mondiales cotées en bourse. Au sein de l'Union européenne, seuls 10 détaillants se partagent près de 50% du chiffre d’affaires. En Suisse, ils ne sont que deux: Migros et Coop se partagent près de 70% des parts de marché de l’alimentaire.

Consommateurs et consommatrices 

La consommation globale, bien trop importante à l’échelle mondiale, et le gaspillage de denrées alimentaires ou d'autres produits qui l’accompagne ont de lourdes conséquences écologiques et sociales.

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  • Les problèmes sont structurels

    La consommation de viande par exemple, en augmentation à travers le monde, est source de déforestation et de conflits territoriaux. À la fois directement (par l’élevage de bétail) et indirectement (par la demande croissante en fourrage). De nombreux problèmes liés à la (sur)consommation et aux chaînes de valeur mondiales de l'agroalimentaire sont d’ordre structurel: ce ne sont souvent pas les produits individuels (soja, cacao, bananes, etc.) qui sont fondamentalement problématiques, mais l'ensemble des structures mondiales de l’industrie agroalimentaire. En effet, l'industrie a une influence considérable sur les conditions dans lesquelles les denrées sont produites, transformées, négociées et commercialisées. Public Eye estime de ce fait que la responsabilité ne doit pas être entièrement reportée sur les consommateurs et consommatrices. Au contraire, elle incombe en premier lieu aux acteurs qui ont le pouvoir d'agir sur les structures: le monde politique et les géants de l'industrie.

  • Inégalité des chances et consommation

    Les possibilités de consommer sont réparties de façon très inégalitaire: alors que certaines personnes consomment trop, d’autres n’ont pas accès à des biens de consommation essentiels. Ces inégalités soulèvent des questions fondamentales de pouvoir et de justice. Un niveau minimum de consommation est une condition préalable à une vie décente et à la vie en société. Comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme: «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires».

    Au-delà des lourdes conséquences écologiques des habitudes de consommation occidentales se pose aussi la question de l'équité mondiale. Les choix de consommation individuels peuvent avoir une influence, par exemple en privilégiant des aliments issus de l'agriculture biologique locale. Mais au-delà des mesures individuelles, garantir à l’humanité entière un accès durable aux biens de consommation essentiels nécessite des changements sociétaux et politiques.

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